Trois lynx aux portes de l’Alsace

Poster dans 3 août 2016 dans Nouveautés & Reportage

Luna, Kaya et Lucky, trois lynx capturés dans les Carpates slovaques ont été relâchés hier dans le Pfälzerwald, prolongement des Vosges du Nord en Rhénanie-Palatinat. A terme, une vingtaine d’individus seront réintroduits.

Lucky le jeune mâle de d’un an et demi, Kaja (3 ans) et Luna (5 ans) : trois lynx gambadent en ce moment même dans les forêts du Pfälzerwald, premiers individus à réinvestir les lieux dans le cadre d’une vaste campagne de réintroduction qui doit permettre à l’espèce de repeupler le massif ces prochaines années.

« Peu de chances de les rencontrer »

Capturés en Slovaquie, les félins ont quitté vendredi soir la région de Bojnice, une fois calmés après le stress d’un gros orage. Ils sont arrivés hier à destination, à 40 km de l’Alsace, avec 6h de retard sur l’horaire prévu. Au terme d’un périple de 1000km et 11h de route, ils ont été relâchés à 12h30 samedi matin en présence de quelques invités triés sur le volet.

Les trois cages ont été ouvertes l’une après l’autre, laissant les lynx d’abord un peu intimidés filer vers la forêt, le vent leur apportant des effluves boisées. Le dernier a même pris la pose l’orée du bois et s’est retourné plusieurs fois avant de disparaître en quelques bonds sous les frondaisons.

Idéalement les lynx pourraient se reproduire dès l’année prochaine, encore faut-il qu’ils se croisent ! Il faut savoir que les lynx peuvent parcourir 70 km par jour ou rester cantonnés dans le Palatinat et que ce grand félin solitaire a besoin d’un vaste territoire, de 50 000 à 70 000 ha par animal. Autant dire que les randonneurs ont fort peu de chances de rencontrer ces animaux farouches a insisté Ulrike Höfken, ministre de l’Environnement du Land Rhénanie-Palatinat, présente pour assister au lâcher.

Michaël Keller, éleveur de moutons, convient que ce projet est une importante contribution à la biodiversité. « C’est un animal sauvage et s’il se plaît ici, s’il n’est pas dérangé, s’il trouve à manger, il restera. Mais pour la première génération ce sera difficile ». Cependant, estime-t-il, il pourrait aussi chercher à retourner d’où il vient ! L’idéal eut été qu’il se réimplante sans l’intervention de l’homme. Il pourrait aussi être attiré par les forêts hexagonales : « en 8 jours les lynx pourraient être dans les Vosges mais il faudrait qu’ils franchissent sans encombre la B10 qui mène de Landau à Sarrebrück » !

Gundolf Bartmann, vice-président du Landesjagdverbabt, a salué l’arrivée des lynx et affirmé que les chasseurs protègent le lynx, qu’ils ne le considèrent pas comme un concurrent. Il pourrait devenir le symbole du Palatinat.

Côté français, Claude Kurtz, de l’association « SOS faucon pèlerin lynx » nourrit l’espoir d’une entente consensuelle avec les chasseurs « il faut trouver un compromis avec les chasseurs et signer un mémorendum d’entente « lynx chasse pour lynx Vosges ».

Pour Jean-Claude Genot, chargé protection nature au parc naturel régional des Vosges du Nord « la réintroduction de ces trois lynx est un aboutissement pour tous ceux qui ont contribué au développement du programme. En France il reste du travail à accomplir pour améliorer l’acceptation du prédateur. En Allemagne, le travail sera le suivi des lynx grâce au collier GPS qui tombera automatiquement d’ici deux à trois ans. Dans le cadre du parlement du lynx, tous les membres ont insisté pour une totale transparence. Dès que nous aurons des informations sur la localisation du lynx, nous les transmettrons ».

Marie-Colette Becker